Que cherchons-nous ? Que voulons-nous  dans ces portions de temps où nous porte le destin ?

Le goût des cafés me viendra-t-il à Buenos Aires ?

Ici on vient au café pour retrouver les amis, on s’installe, on parle, on a donné rendez-vous, le rendez-vous ne vient pas, d’autres rencontres se font naturellement ! Un facebook artisanal selon José Muchnik!

Au café Margot Boedo 857

Le samedi est jour des retrouvailles, la terrasse commence à se remplir vers onze heures, les conversations s’animent dans un flot permanent d’allées et venues, où l’expression ne se manifeste pas seulement par la parole : elle peut être un geste, un acte, une absence. Il existe une frénésie, une excitation d’un monde qui se réinvente : est-il question de politique en veille d’élection, de l’organisation de rencontres ou de la soirée à venir. Chaque parole semble chargée d’avenir, chaque geste transforme la parcelle d’histoire.

Dans la vivacité ambiante, les rencontres se font naturellement, l’accueil est direct, sans calcul, j’entre dans le quotidien de l’autre qui ne se rétracte pas. Les tables s’ouvrent, on se retrouve, on s’embrasse, parfois même on voit surgir un visage qu’on ne pensait pas voir là comme Pablo Garcia.

Dans ce mouvement de marée où flux et reflux se recouvrent, l’heure est à la reconstruction légère des vies, avec cette pointe de gravité d’à peine nostalgie.  Je suis venu, ou revenu, la ronde du destin semble inscrite dans les vies, on évoque les souvenirs, le temps d’avant ne fait plus défaut, il a seulement pris sa charge de durée.

Il y a ce moment imperceptible ou chaque destin se confond à l’histoire, alors après les évocations personnelles, surgit la mémoire du lieu, l’épopée de la naissance du théâtre, les rencontres d’artistes dans cette tradition séculaire d’un bout à l’autre de la planète, où la pauvreté des artistes les fait migrer vers une terre plus accueillante, là naissent les innovations, les utopies de vie et d’arracher une parcelle de divin à la boue du présent.

Lorsqu’on veut payer son café, on apprend qu’il a déjà été réglé par un inconnu, et cela rajoute un brin de mystère!

Etre ou ne pas être, cette question est posée dans la langue espagnole m’explique José Muchnik, question de l’être et de la présence, question de la spiritualité et de la matérialité.

A peine la question posée il a déjà disparu, et je me retrouve pour le repas rituel du samedi du groupe du café Margot, où se côtoient artistes et professeurs, ici on ne cherche pas à montrer ou démontrer un savoir ou un pouvoir, c’est une réunion sans façon où tout s’échange, l’envie d’être ensemble, de raconter la vie de ses chats jusqu’au fantastique de l’ histoire encore à venir d’un roman policier où le chat sera l’assassin.

J’aime cette sortie du réel qui fait entrer le monde fantastique, les murs sont couverts de photos, de publicités ironiques comme «  Tome Crush » dans un angle, la bibliothèque indique ses heures d’ouverture, cela crée une dimension intime, comme si quelqu’un avait déposé là ses livres pour les ouvrir au passant harassé.

On déjeune de picadas ou de plats de poulet rôti, dont auparavant on vous a demandé de choisir le morceau, de purée de potiron et de patates.

L’heure passe, les discussions d’apaisent et on se quitte en se donnant rendez-vous pour la samedi suivant. Qui le chat aura-t-il assassiné ?

La poésie lutte pour l’expression menée à ses limites : à l’extrême de l’homme, du langage, de la réalité, mais à Buenos Aires on se dilue, c’est comme su la ville vous absorbait tel un monstre marin, on se sent Jonas, d’un poème rempli de désir.

 « Y aura-t-il un rythme dans la mort,

au moins un rythme ?

Peut-il y avoir quelque chose sans rythme ?

Toute l’énigme, sans doute,

consiste à le trouver.

Nous pouvons commencer

par le silence ».

Roberto Juarroz

Partager cet article

Repost0

Commenter cet article