Présentation Geneviève Clancy

Du côté du pont Mirabeau Octobre 2006



« Accepter de ne plus combattre est un devenir dont la finalité est de vider l'infini »

Ces belles paroles sont de la grande poétesse Geneviève Clancy qui, avec Philippe Tancelin , aura été la nouvelle source de la poésie française de la résistance de la seconde moitié du vingtième siècle. Elle est à jamais cette parole souveraine qui fait taire toutes les voix de l'oppression et de la haine.

Elle semble trôner au milieu de nous comme une Pietà, avec sa douleur dans ses bras, son sourire las, sa présence intimidante, sa beauté haute, le portrait de la belle saison inaltérable de son visage.

Voix de basse sur les poèmes, elle incarne la douleur et la force de la résistance à toutes les dictatures. Si fortement, que de son œuvre poétique , on se souvient des poèmes écrits pour témoigner, avec des millions de gens, sur l'injustice et la disparition qui frappent les êtres : ce sont des textes qui passent de main en main sur les territoires occupés et sont le réconfort de populations soumises aux dictateurs fous et sanguinaires.
Son œuvre importante va de la poésie parfois hermétique et philosophique à celles des passeurs d'âmes au plein du ciel, aux œuvres de témoignage de la douleur du monde. Toujours elle apparaît comme une figure de la résistance, à chaque époque qui amène ses flots d'horreur, dont elle disait parfois dans les dernières années , qu'on avait atteint un point tel de deshumanisation qu'il y avait là un in-pensé de la philosophie. L'humain deshumanisé.

Et Geneviève Clancy souffrira beaucoup ces malades-dictateurs-psychopathes qui sévissent sur la planète ; elle leur survit par les mots en devenant l'étendard des pauvres , des persécutés et des martyrs. Tandis qu'elle est universelle, elle qui vivait sous l 'aile de la mort, ils resteront boue de l'humanité.
Son départ en octobre 2005, à l'automne des hêtres, en souveraine du verbe et de la dignité, après avoir traversé les épreuves de la vie comme une Pietà, une madone de la douleur, en étant jusqu'au bout proche de tous les fronts, y compris celui de son propre mal, traversant les frontières de l'existence comme les oiseaux migrateurs, avec son aura et sa faculté à universaliser la radicalité de sa conviction
Expérience de la perte dans sa mort : tant de poèmes non écrits nous manquent et marquent aujourd'hui la victoire des salauds. Cette voix d'au-dessus des camps doit encore faire son chemin car si elle est enracinée dans la langue et le coeur des poètes « aux pieds nus », par sa résistance , ses utopies, ses sentiments, elle attend que nous sachions rendre l'aveuglante simplicité, la pureté du feu de la poésie.
Il est douloureux de voir tant de fausses gloires en présentoir ou de serviles laquais du pouvoir (il n'est pas besoin de citer de noms) , alors que pour entendre quelques bribes de poèmes de Geneviève Clancy, un long chemin est nécessaire, quand même morte, elle est frappée d'interdit.

Nécessaire est sa poésie , nécessaire est la présence ce soir de son frère Philippe Tancelin pour retracer avec nous leur cheminement commun , nécessaire est le devoir de se souvenir de cette nature profondément aux aguets des signes de la vie et du destin. Profondément mystique, elle était en même temps totalement moderne dans ses relations à l'Autre, n'hésitant pas à proclamer ses convictions de femme et de poète et son attachement viscéral à la liberté.

Il est toujours hasardeux de tenter de décrypter la vie des autres : elle est née sous le signe de l'universalité, prédestinée à la quête de la vie. Et si ni la paix, ni l'amour, ni le rire ne sont abondamment donnés, la douleur est la plus proche amie du tragique de la condition humaine dont elle a témoignée, la liberté qu'elle affirmée et l'égalité qu'elle n'a cessé de clamer.

Geneviève Clancy est d'une certaine manière initiatrice dans les rencontres, non dans la vénération mais dans le mysticisme de l'acte créateur, mais dans la croyance absolue de la puissance de la Parole et de la force du Verbe. Sa personnalité la fait devenir la figure de proue de la poésie de résistance en France.
Jamais elle ne compromit la poésie avec les politiques, qui bascule alors très vite dans l'opportunisme qu'elle prétend combattre. Elle ne fuira pas les responsabilités mais en restant toujours cette émigrée intérieure dans la plus totale et irréfutable opposition. Alors pleuvent les interdits, les procès et les censures, elle sera arrêtée, emprisonnée, interdite de publier, fliquée, tout fut employé contre elle. Mais la haute voix du poème demeure, quelles que soit les persécutions qu'elle subisse, quelles que soient les humiliations, il reste une chaîne de mémoire que peut-être elle avait inconsciemment attendue, espérée , l'épreuve, vue comme épreuve christique de la mort . Quel envol a-t- elle pris au fronton des résistances à l'horreur?

Nous ne sommes pas renvoyés au vide dès lors que nous continuons à faire vivre la mémoire , dès lors que nous investissons le territoire des résistances , la mémoire que nous avons de Geneviève Clancy nous est délivrance, elle continue près de nous son combat et nous redonne la ferveur de la jeunesse .
Cela aussi elle l'aurait sans doute voulu, cette résurrection après les épreuves terrestres.
Ainsi est la beauté résistante : Geneviève Clancy.



26/10/06

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